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Université Saint-Joseph 'L'Etre avec' Franc-maçon au Liban : Stratégies individuelles et réseaux Mémoire pour l'obtention du Diplôme d'Études Approfondies en Sciences Politiques La faculté de droit et de sciences politiques de l'Université Saint-Joseph n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées propres à leurs auteurs. |
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Cette étrange sensation qui m'envahit depuis près d'an, je lui ai trouvé trois explications : l'indigestion, l'angoisse et la gratitude. Je me réserve le détail des deux premières et réserve la dernière au Professeur Elizabeth Picard. Elle a non seulement approuvé le sujet mais elle m'a encouragé à l'entreprendre et n'a épargné ni disponibilité ni patience malgré la distance. Merci pour avoir, avec la modestie la plus gracieuse, contenu mes péchés d'enthousiasme analytique. A Fouad, Flou pour les intimes, qui contrairement au signifiant, a généreusement et ingénieusement su mettre en 'focus' ma pensée. A Cédrus qui, grâce à son encouragement, son temps et surtout son humour, a donné le meilleur de lui-même. Au CEMAM qui restera à tout jamais mon déversoir d'angoisse, John la représentation de la persévérance, Christophe l'incarnation de la rigueur, Sandro le magicien des idées, Giga l'énergie voyageuse, Jij l'école au quotidien, et tous ceux que je n'ai pas nommés. A tous les Francs-maçons qui ont donné leur temps et m'ont fait confiance dans ce travail. A Sahar, Alia et Mariam qui ont partagé 'crimes et châtiments' ; Mina et Arwa sans qui je n'aurais pas eu mon rire quotidien. A mon père pour avoir insufflé son âme dans ce travail, et à ma mère, la personnification de l'institution et la contenance même. Aux amis qui m'accueillent toujours malgré mes nombreuses disparitions. |
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INTRODUCTION | |||
Il était une fois… Au moment où l'Empire ottoman combat les mouvements indépendantistes grecs et balkaniques, Sami al Solh est encore étudiant en droit à Istanbul. Un jour il se rend à Paris. Pour des raisons qu'il omet de mentionner, il se trouve obligé d'écourter son séjour pour retrouver le chemin de la capitale ottomane. Il prend la route habituelle instituée à l'époque par les Saint Simoniens ; le chemin de fer Paris - Lyon - Marseille (P.L.M.). De Marseille, il doit ensuite emprunter la route maritime. L'urgence le pousse à prendre le premier navire en direction de Constantinople. Mais c'est un navire de guerre et les passagers sont des groupes armés dissidents de l'Empire. Ils sont en fait des volontaires de guerre Grecs. Le Liban, encore sous occupation ottomane, est considéré comme un pays ennemi par ces mouvements nationalistes naissants. Voyant en Sami al Solh un bouc émissaire, un groupe d'hommes, animé de passions engagées, se jette sur lui prêt à le mettre en morceaux. Mais un des hommes à bord le reconnaît. Ils avaient été à la même faculté de droit mais ils ne se sont jamais abordés. "- De quelle nationalité es-tu ? - Libanais - Où se situe le Liban ? - Il est sur la façade Est de la mer méditerranée ; c'est un pays indépendant… - Quelle est ta religion ? - Je suis druze-maronite - C'est-à-dire ? C'est une confession secrète répond Sami."[1] Cette mésaventure anecdotique révèle l'état d'esprit agité de l'époque. Outre la dimension nationaliste forte qui transparaît dans le discours de chacun, est exprimée une représentation identitaire importante. L'intérêt qu'a eu la réponse de Sami al Solh tient au fait qu'à travers un réflexe d'instinct de survie, il a pu exprimer une triple dimension d'appartenance. Il s'est d'abord représenté un Liban indépendant - bien que politiquement al Solh ait été pour la formation d'une nation arabe avant d'œuvrer pour l'indépendance du Liban. La seconde dimension identitaire qu'il exprime tient à son appartenance confessionnelle. Par son esprit humanitaire et universaliste - qu'il ne manque pas de souligner dans ses mémoires - il ne trouve aucun problème à souligner une appartenance communautaire mixte qui n'est même pas sienne. En se plaçant au sein d'une minorité qui le distingue de la majorité musulmane de l'empire, en évoquant une dimension secrète qui le rapproche des clandestins grecs à bord du bateau il a pu sauver sa vie. Sans vouloir avancer d'affirmation quelconque à propos de son secret, il est notoire que Sami al Solh a été maçonnique, même si ce dernier ne le mentionne jamais directement dans ses mémoires. L'intérêt de cette anecdote tient au fait que dans le besoin, le protagoniste a pu exprimer une appartenance tellement contradictoire avec sa personne et son 'identité ascriptive' sans difficulté aucune qu'il est intéressant d'essayer de comprendre les dimensions d'un tel comportement. Si Sami al Solh a eu l'esprit vif pour pouvoir se projeter dans l'esprit de ses agresseurs, c'est parce qu'il était familier de la situation politique de la période. L'Europe des idées - le rationalisme des lumières et le nationalisme des romantiques et des révolutionnaires - étend son influence vers l'Europe de l'Est, en passant par la capitale ottomane, jusqu'au Moyen Orient. Les revendications nationalistes sont en pleine effervescence et trouvent leur mode d'expression dans des associations secrètes. La conscience politique des intellectuels réformistes de l'époque est telle qu'appartenir à une société secrète vers la fin de l'Empire Ottoman est synonyme d'une mobilisation politique contestataire du sultanat. Le mandat de Abdul Hamid coïncide avec l'affaiblissement de l'Empire. Malgré les tentatives de répressions, le régime demeure menacé par des forces implosives qui laissent naître des groupuscules politiques actifs (et souvent éphémères). Les Francs-maçons et d'autres sociétés secrètes (souvent politiques ou politisées) en font partie. Ils semblent être effectivement influents. En tous cas, ils représentent une menace pour un Empire en dislocation. Sami al Solh a été condamné à mort par Jamal Pacha, gouverneur général du Mont Liban, pour ses activités politiques. Ses amis d'école n'ont pas eu le même sort et ont été pendus. La raison qui a fait échapper Sami al Solh à la pendaison du 'Six Mai' à la Place des Martyrs[2] reste énigmatique. L'histoire orale transmise dans les Loges américaines, raconte qu'un des pendus aurait fait le signe maçonnique. Un officier le voit et arrête la cérémonie. Il s'empresse de raconter à Jamal Pacha qui est, lui aussi, Frère maçon[3]. Sami al Solh sera-t-il lui aussi sauvé grâce à la solidarité maçonnique ?[4] L'exemple de la personne de Sami al Solh, peut être assimilé à une figure d'idéal type caractéristique du parcours des hommes politiques de cette période. La construction de l'identité libanaise, par exemple, acquise à une période charnière de l'histoire du pays et dans le cadre de la décomposition de l'empire Ottoman, a été régie par des politiciens appartenant à la Franc-maçonnerie ou proche d'elle. Les savoirs méfiants Le fait ésotérique de la Franc-maçonnerie provoque une méfiance sociale mais aussi politique. Pour les profanes peu avertis, l'organisation provoque toute sorte de réactions. Elle suscite un défilé de fantasmes allant de la théorie du complot judéo- maçonnique, en passant par la propagande idéologique pour finir par être l'exotisme de l'ésotérisme. D'autres manifestent leur désintérêt, considérant la Franc-maçonnerie 'anachronique' où le fait d''imaginaires sans imagination'. La négation devient double. La Franc-maçonnerie ne suit donc pas les modes de reconnaissance traditionnels (confessionnels, professionnels…), et elle est mise à l'index socialement. Ce rejet existe malgré une reconnaissance officielle et une adhésion de la part de certaines personnalités politiques. Politiquement, depuis quelques décennies, l'institution maçonnique est interdite dans la majeure partie du Proche Orient pour des raisons de sécurité d'Etat. Ses activités sont prohibées en Egypte par Abd al Nasser à partir de 1961. Elle est mise en sommeil en Syrie en 1963 avec l'arrivée au pouvoir du parti Ba'th. Le roi Hussein de Jordanie, lui-même initié au Liban dans les années cinquante, décide de mettre un terme à l'activité maçonnique en 1988 par crainte de la montée en puissance des islamistes. Aujourd'hui la Franc-maçonnerie n'est plus active qu'en Israël, en Turquie et au Liban. Dans un pays comme le Liban où il y a méfiance sur l'intention des acteurs, alors que les dirigeants appartiennent à une même classe sociale ou à un même parcours, comment une telle institution a pu prévenir les possibilités de rivalités fortes où il est admis que l'autre détient une fonction cachée ? La Franc-maçonnerie a-t-elle constitué une plate-forme pour une appartenance trans-communautaire éliminant les méfiances ? Choix du sujet Malgré la méfiance et le secret de la Franc-maçonnerie, il n'en demeure pas moins qu'elle entretient, comme dans l'exemple de Sami al Solh, un lien avec le politique et celui-ci mérite d'être élucidé. Socialement aussi, la Franc-maçonnerie joue un rôle. Mon choix pour ce sujet y est lié et remonte à une expérience personnelle. Depuis quelques années, j'étais curieuse d'explorer la strate sociale des Francs- maçons (modes de fonctionnement et d'influences, codes…) sous une forme académique. Toute jeune, j'ai pris connaissance de l'existence de la Franc-maçonnerie au Liban. Dans les archives de la famille, mon grand-père et son frère patrilinéaire appartenaient à l'Ordre, et ceci remonte aux années de la Grande Guerre. En 2000, un problème personnel d'ordre médical a renforcé ma curiosité. J'ai pu jouir d'une assistance morale et d'une facilité d'accès à des traitements grâce à des personnes que je ne connaissais pas, à travers le réseau familial, amical mais aussi maçonnique. J'ai donc moi-même pu profiter des services sociaux en temps de besoin. A ce moment là, le mystère de la Franc-maçonnerie, qui semblait relever du non-dit familial et social, s'est dévoilé à mes yeux au point de se présenter comme une institution sociale rendant des services au même titre que la sécurité sociale ou d'autres formes d'aides liées à des sociabilités traditionnelles familiales ou professionnelles. La Franc- maçonnerie m'est alors apparue comme un phénomène social agissant au niveau du groupe pour l'individu et donc digne d'une étude approfondie. Cette proximité avec le milieu maçonnique a facilité mon travail de terrain auprès de toutes les tendances rencontrées. Par moment je justifiais mon intérêt pour ce sujet par la tradition patrilinéaire familiale. D'emblée j'avais acquis une légitimité d'accès auprès de certaines personnes. Auprès des plus méfiants j'ai évoqué la reconnaissance personnelle que je portais à l'Ordre pour les services que j'avais reçu. Dans certains cas, j'ai mis en avant ma recherche théorique et scientifique pour calmer les appréhensions. Problématique Comment la Franc-maçonnerie au Liban, qui fonctionne par réseau de cooptation trans-communautaire depuis plus d'un siècle et où la seule unité spatiale qu'elle occupe (le temple - la Loge) est interdite au profane, participe-t-elle en pensée et en action à la politique de la nation au sein de laquelle elle agit ? Comment ce phénomène composé d'individus aux destins si différents se perpétue t-il? Cette étude se propose d'analyser la manière dont est constitué ce réseau d'organisation parallèle ainsi que ses modes d'infiltration dans la société (notamment au sein de la société libanaise). Dans le rapport qu'entretient la maçonnerie avec le politique, il serait utile de comprendre comment elle s'est imposée et comment elle a pu servir le pouvoir. Certains travaux historiques basés sur des analyses sociologiques holistes attribuent à la franc-maçonnerie un caractère social homogène[5]. En ce sens, la Franc-maçonnerie, comme toute société secrète, reproduit dans son fonctionnement interne le schéma des classes sociales[6]. Cependant, à travers des cas singuliers (de données recueillies déductivement de la démarche ethnométhodologie), de telles affirmations, bien que pas tout à fait falsifiables, ne semblent pas correspondre entièrement au schéma libanais. Une des hypothèses défendue dans ce travail cherche à montrer qu'en réalité, ce phénomène microcosmique n'évolue pas nécessairement dans un mode d'action unifié comme dans toute communauté - encore faut-il considérer la communauté comme un groupe homogène - mais semble fonctionner dans une dynamique de transformation segmentaire. Cette hypothèse met à mal la généralité des études précédentes pour aboutir à un raisonnement inverse qui postule que la maçonnerie part de la volonté individuelle pour s'exprimer dans une dimension sociale. Cadre analytique : du collectif au singulier Pour le sociologue, le phénomène maçonnique se présente sous un caractère double. Il apparaît à la fois comme un réseau associatif appartenant à la société civile et recrutant ses membres par cooptation mais aussi comme une société initiatique à caractère 'sacré' engageant l'homme dans sa totalité et le relevant au plus haut point de sa spiritualité. Le chapitre préliminaire expose les procédés méthodologiques utilisés qui permettent d'examiner cette double dimension mondaine et ésotérique. Le premier chapitre traite du parcours structurel et historique qui encadre l'évolution des Loges maçonniques depuis leur naissance, à la seconde moitié du XIXe siècle, jusqu'à aujourd'hui. L'idée est d'obtenir un état des lieux approximatif de la scène maçonnique aujourd'hui. Le second chapitre aborde la sociologie du groupe par un raisonnement de sociologie politique. Les données recueillies sont examinées dans le sens du fonctionnement du réseau maçonnique d'un point de vue socio-culturel. La fonction du Vénérable Maître comme figure représentative de la Loge est particulièrement abordée. Enfin, le troisième chapitre est consacré à l'étude des parcours de vie individuels, et par conséquent à la stratégie individuelle d'adhésion. Il s'agit de comprendre l'identité et les représentations du Franc-maçon grâce aux entretiens semi-directifs menés : le parcours d'adhésion, la stratégie individuelle, le poids de l'héritage familial et collectif, la part de mysticisme, qui expliquent le phénomène de la Franc-maçonnerie au Liban. Quelques précisions : discours, historiques et terminologie Une histoire pour la Franc-maçonnerie L'historiographie maçonnique lui attribue plusieurs origines. La première est mythologique (qui relève de l'architecture ou de la pensée universelle). Pour certains la genèse remonte aux périodes antiques (Xe-IX siècle avant J.C), à l'architecte Hiram de Tyr sous le règne du roi Salomon, aux constructions pharaoniques, et à la période cananéenne. Pour d'autres, elle remonte à l'antiquité romaine et au génie de Vitruve. Bien que son œuvre de plus de dix volumes "De Architettura" ait été redécouverte en 1486, elle est récupérée par l'esprit maçonnique. D'autres grandes personnalités sont récupérées par l'Ordre en devenant "maçons sans tablier"[7]. Pythagore en est sûrement un grâce à son pentagramme régulier qui prend connaissance de nombreux mystères Egyptiens[8]. Ainsi la construction des Pyramides devient l'œuvre de frères maçons. L'ultime constructeur étant Dieu, la maçonnerie travaille à son image, à l'image du 'Grand Architecte de l'Univers' (GADLU). La seconde origine maçonnique est opérative. La Franc-maçonnerie serait originaire des corporations de métier ou du compagnonnage depuis le Moyen Age - Guild ou Craft en Anglais -. Ces filiations historiques, procédant parfois de logiques irrationnelles et manquant de lignage direct, flattent le sentiment d'appartenance du Frère-maçon et insère la maçonnerie dans l'histoire universelle de l'humanité. De telles affirmations peuvent provoquer une réaction réquisitoire pour les ennemis de la maçonnerie[9]. L'histoire moderne considère la maçonnerie comme spéculative. Le métier de Maçon devient une allégorie qui dessert une symbolique et nourrit une réflexion intellectuelle et spirituelle. La Franc-maçonnerie dite spéculative commence en 1717 lorsqu'en Angleterre, quatre Loges bleues[10] s'unissent pour former une instance qui les gère ; la Grande Loge Unie d'Angleterre, Loge-mère de la maçonnerie mondiale. L'année 1717 dénote donc une évolution du fait maçonnique et la présence de Loges préexistantes. La naissance de la maçonnerie au Proche Orient et au Liban[11] a accompagné la présence des Européens. Son expansion a été concomitante à l'éveil de la Nahda[12]. A l'exemple européen, ces modes de sociabilité - associations, sociétés secrètes et littéraires - naissent à cette période. Thierry Zarcone examine dans ses recherches l'aire géographique moyenne-orientale, c'est-à-dire la Turquie, l'Iran et le Caucase. La présence de la Franc-maçonnerie européenne dans ces régions a pris des formes hybrides. Elle s'est rapprochée des pratiques mystiques locales et s'est adaptée, par des associations para-maçonniques, aux tariqa sufi[13]. Les dénominations : les réguliers ; les irréguliers et les sauvages La Franc-maçonnerie peut être définie par deux courants : d'une part, les obédiences dites régulières ou anglo-saxonnes (le terme anglo-saxon est ici utilisé indépendamment de la langue en usage ou du pays dans lequel la Loge est en activité. En font partie par exemple, La Grande Loge créée en 1717, la Grande Loge Nationale Française (GLNF), les Loges américaines...) ; d'autre part, les obédiences dites irrégulières séculaires et/ou mixtes (qui lorsque qualifiées péjorativement sont appelées clandestines). Appartiennent à cette qualification les Loges Grand Orient De France, le Droit Humain, la Grande Loge Féminine de France, la Grande Loge de France (GLF)... et en Italie, la Grande Loge d'Italie, en Turquie, la Grande Loge Libérale de Turquie. Les Loges dites 'sauvages' sont celles qui ne sont rattachées à aucune obédience (dans le sens où elles n'ont pas de patente)[14]. L'opposition qui existe entre les deux courants relève du principe moral. Les Loges 'régulières' empruntent à la religion son caractère sacré et imposent une appartenance religieuse monothéiste à ses membres. Ils considèrent Dieu comme Grand Architecte de l'Univers (GADLU) et imposent la croyance en l'immortalité de l'âme. Le divorce entre les réguliers et les irréguliers a eu lieu dès 1877 au Convent de Lausanne qui a fait adopter au Grand Orient de France GODF[15] la liberté absolue de conscience - un frère peut appartenir à n'importe quelle religion tout comme il peut être athée. Sur l'autel des Serments, au lieu d'avoir un des trois livres sacrés, un livre dont les pages sont blanches - appelé livre blanc peut être ouvert pour les maçons irréguliers. Aujourd'hui, au Liban, un grand nombre de tendances existe. Certaines des Loges qui se prétendent irrégulières par leur mixité maintiennent des traditions régulières (comme le dépôt des livres sacrés sur l'autel au lieu du livre blanc). Seulement deux Loges[16] appartenant au GODF font usage du livre blanc. Pour les acteurs, les appellations se confondent entre ce qu'ils qualifient d'irréguliers, de clandestins et de sauvages. Souvent, le terme 'sauvage' est remplacé par 'dikkane' (magazin, supermarché, boutique…). 'Dikkane' désigne les Loges à tendance affairiste, commerciale où l'activité maçonnique doit essentiellement servir à l'enrichissement de ses frères. Parfois, le substantif 'dikkane' peut désigner les Loges qui sont source de chamailleries, qui n'ont pas une culture maçonnique fiable. Afin d'illustrer les confusions faites par les acteurs, j'évoque l'exemple d'un ancien Grand Maître, qui a été membre actif dans la Franc-maçonnerie libanaise pendant plus de trente ans. Il m'explique qu'au Liban, il y a trois pôles principaux : les Loges américaines, écossaises et locales 'mahalli - mawalliyya'. Par cette affirmation, il divise de facto le paysage maçonnique en deux, les réguliers (américains et écossais) et les irréguliers (les autres). Mais les irréguliers au Liban peuvent avoir une appartenance internationale irrégulière, comme les Loges travaillant sous les auspices du GODF, Droit Humain, Grande Loge d'Italie, tout comme ils peuvent se constituer en Loges locales 'mawalliyya' marginalisées internationalement ou, au meilleur des cas, ayant signé des conventions d'amitié[17]. J'utiliserai, par souci de neutralité, la terminologie conventionnelle internationale (Loge régulière et irrégulière) pour désigner les Loges patronnées par une obédience étrangère. J'utiliserai le terme 'Loge locale' 'mahalli' à la place de Loges 'sauvages' ou 'dakakin' pour toute Loge créée à l'initiative de Frères maçons libanais, indépendamment du fait qu'elle soit affairiste, soucieuse de maintenir une éthique d'idéal maçonnique ou ressemblant à un club de rencontre. Le terme 'mawalliyya' est aussi à distinguer du terme 'wataniya' (nationaliste). Par 'wataniya', je définirai les Loges qui ont le souci de promouvoir l'esprit nationaliste libanais comme la Loge Fakhr al Din (ordre américain) ou la Loge Salam (ordre écossais)[18]. |
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[THESIS ONLINE VIEWER] |
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Chirine Abou Chakra |
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