Laver le sang bu par l'éponge
Rincer les dents incisives dans la chair
Disséquer les rames qui s'infiltrent dans les plaies
Ordonner les fils empêtrés de nos blessures
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
Rochers caverneux adjacents aux poumons concaves
Pieds osseux qui comptent leurs galets
Yeux lunaires arrondis par la faim
Mouche paysanne qui colle à toute perte de foi
Oeil qui cherche, qui interroge…
Peau écaillée comme un sac à vendre
Rognons de terre, mère fuyante
Enfant assis à coté de ses restes
Pris par la faim comme par un rat besogneux
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
Bras sur le roc
Doigts dans la poussière
Jambes endormies contre la poutre
Mollets allongés sur la ferraille
Flancs accrochés aux pompes mécaniques
Brins de cheveux arrosant la cendre
Yeux de pierre ornant les morts de Manhattan.
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
Chien laissé pour compte
Violé, au bord du chemin,
Pollué par le bruit,
Buriné par son ombre,
Ensoleillé, empaillé,
Empaqueté,
Allongé.
Chien mort sur le bas-coté
Chien, tu n'es qu'un chien !
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
Fille logée à compte d'auteur
Peau métisse
Mains rugueuses
Adresse inconnue
Visage indistinct
Paupières d'ombres sur son passé ou son futur
Clandestine, debout sur la flaque
Les yeux à coté de la plaque.
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
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Injurie-moi, puisque tel est ton métier
Usurpe sur ma plaine
Frappe de ta haine ma couleur de chair
Crie de tes mots les murs qui s'allongent
Soutire de mes tripes, mon vin qui s'enfuit
Foule sur ma tombe mon souvenir permanent
Contre tes yeux en furie
Et tes bras de ramoneur
Réduire le fond
La soupe sera liante…
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
Son instigateur de migraines tentaculaires
Son du fou, du seul,
Du torturé
De la mère au fils absent
Des entrailles qui explosent dans un cri
Du corps qui s'insuffle contre tout terrain vague
Son du vide
Contre le silence
Son du clair
Contre l'obscur
Son des bêtes déchaînées à l'attaque
Son des politiciens
Qui déglutissent
Leurs dossiers comme on mastique une viande.
Je viens te donner un monde meilleur, disait-il !
L'espoir de voir un jour
tes dents contre les murs de toutes les pièces
tes châles jetés sur les tableaux en guise de guéridon
tes chats suspendus aux théières ornementales
tes cris accrochés aux lanternes des maisons.
L'espoir de voir un jour
Ton ventre défait à plus d'un attrait
Ton indignation féroce amortie par le choc de nos retrouvailles
L'été vertical écrivant de sa faux
Des histoires de pluie et d'encens
Sur nos silences contrits
Et nos cranes symétriques.
La faux divisant nos fronts avertis
Comme on coupe une orange, avec parcimonie.
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Le monde serait-il meilleur ?
si…
-Je ne sais plus
Je n'entends plus
Je ne sais plus
Le monde serait-il meilleur ?
si…
-Oh mon enfant, mon enfant, mon amour
Que te dire, de ma vie, de la tienne, de la notre
Oh mon enfant, oh mon amour
Ne pleure pas, écoute moi.
Le monde serait meilleur si toi, ou moi, ou
nous…
inventions.
rêvassions
refaisions l'ordre de toute chose !
-Je ne te crois pas
Je ne vois pas
Je ne comprends pas
-Tu as raison, ma déraison, est une trahison.
Non !
Le monde est là.
Ecoute-moi.
Lève les bras.
Le voilà.
Palpe-le.
Il a son rythme, son odeur, son savon…
Il se prépare au grand abandon.
-Je ne crois pas
Je ne peux pas
Non.
Ne le lave pas !
Il a raison comme cela
Mort, sale, défiguré, amusé !
-Tu le vois mon enfant mon amour
Tu le perçois, le renard, le vautour.
Et tes jouets, et tes baisers
Sont tous partis jouer.
Oh mon enfant, mon bébé, mon amour
Casse-toi.
Il n'est pas là.
Non! le monde n'est pas là.
Ailleurs, peut-être le trouveras-tu pas ?
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